Le lycopène, référencé E160d, s’impose comme l’un des colorants naturels les plus recherchés pour sa teinte rouge profonde. Originaire principalement des tomates et de certains fruits rouges, il confère une coloration vive à une multitude de produits, de la sauce tomate aux confiseries. Toutefois, soumis aux fortes températures lors de la cuisson, ses composés peuvent se modifier, altérant intensité et stabilité colorante. Cet article se penche sur les mécanismes de dégradation thermique du lycopène, les paramètres influents et les stratégies pour préserver sa teinte même dans des conditions extrêmes de cuisson.
Somaire
En bref
🧪 Mécanismes clés : sous l’effet de la chaleur, le lycopène subit surtout oxydation et isomérisation cis/trans, modifiant sa structure chimique et sa capacité à refléter la couleur rouge.
🌡️ Température critique : au-dessus de 120 °C, la dégradation s’accélère de manière exponentielle, surtout si la cuisson dépasse 30 minutes sans protections antioxydantes.
🧂 Milieu réactionnel : un pH acide ou des lipides oxydables peuvent favoriser la perte de pigments. En revanche, une phase lipidique stable et un pH contrôlé limitent la dégradation.
🔬 Préservation : l’ajout ciblé d’antioxydants naturels (vitamine E, polyphénols) ou un conditionnement sous atmosphère modifiée améliore significativement la tenue en cuisson.
Présentation du lycopène (E160d)
Origine naturelle et extraction
Le lycopène appartient à la famille des caroténoïdes, pigment antioxydant présent en abondance dans la chair de la tomate. Les procédés industriels d’extraction combinent souvent un prétraitement mécanique (broyage) puis une extraction par solvants alimentaires ou CO₂ supercritique, garantissant un extrait concentré de haute pureté. Cette étape conditionne directement la stabilité ultérieure : un extrait riche en isomères tout-trans offre une meilleure résistance à la chaleur que des mélanges déjà partiellement cis.
Propriétés colorantes
Chimique et visuellement, le lycopène affiche une absorption maximale autour de 470 nm, ce qui lui confère sa teinte rouge caractéristique. Dans les applications agroalimentaires, il est apprécié pour sa compatibilité avec les matières grasses, permettant la formulation de sauces, de boissons et de produits laitiers colorés. Sa solubilité dans l’huile facilite par ailleurs l’intégration homogène, garantissant une nuance uniforme même à faible dosage.
Mécanismes de dégradation thermique
Oxydation du lycopène
En présence d’oxygène et à température élevée, les doubles liaisons conjuguées du lycopène sont particulièrement vulnérables. Un radical peroxyle peut s’y fixer, rompant la chaîne et entraînant la formation de produits d’oxydation incolores ou brunes. Ces molécules secondaires ne restituent plus la même courbe d’absorption, provoquant une chute visible de l’intensité rouge.
Isomérisation cis/trans
L’exposition à la chaleur favorise le passage de la forme naturelle all-trans vers des isomères cis. Si ces derniers restent colorés, ils absorbent moins efficacement la lumière, ce qui se traduit par un affadissement de la couleur. Des études spectrophotométriques montrent qu’à 150 °C, jusqu’à 40 % du lycopène peut basculer en configurations cis en moins d’une heure.
Facteurs influençant la stabilité en cuisson
Composition du milieu (pH, lipides)
- pH acide : favorise la libération d’ions H⁺ qui catalysent l’oxydation.
- Phase lipidique : la présence de lipides insaturés accélère la peroxydation. Des huiles plus stables (huile d’olive vierge) retardent la dégradation.
- Émulsions : un bon émulsifiant améliore la dispersion et protège partiellement le pigment.
Température et durée de cuisson
La cinétique de dégradation suit généralement une loi d’ordre 1 : chaque palier de 10 °C augmente la vitesse de détérioration. Concrètement, une cuisson à 180 °C pendant 20 minutes fait perdre près de 25 % de la chromaticité, contre seulement 10 % à 120 °C pour la même durée. Dans certains procédés industriels (pasteurisation à 90 °C), la perte reste minime, tandis que la stérilisation UHT ou la cuisson à haute température nécessitent des ajustements de formulation.
Stratégies pour préserver la couleur
Conditionnement et formulation
Opter pour un emballage sous atmosphère modifiée (azote, CO₂) réduit l’oxydation pendant le stockage. En phase de formulation, associer le lycopène à des lipides stables et à un agent complexant (anine phosphatée) crée une barrière physique contre l’oxygène.
Ajouts d’antioxydants
« L’efficacité des antioxydants naturels dépasse souvent celle des molécules synthétiques dans la préservation des caroténoïdes à chaud. »
Des extraits de romarin, de vitamine E ou de thé vert se révèlent efficaces dès 0,01 % de dosage. Ils neutralisent les radicaux libres libérés lors de la cuisson, ralentissant l’oxydation du lycopène et minimisant l’isomérisation.
Applications industrielles et culinaires
Exemples de produits
En agroalimentaire, on retrouve le E160d dans :
- Sauces et condiments (ketchup, mayonnaise teintée)
- Bouillons et plats préparés à réchauffer
- Confiseries et chewing-gums
- Boissons à base de jus de fruits rouges

Conseils pratiques en cuisine
Pour le cuisinier amateur, quelques astuces suffisent : privilégier une montée en température progressive, couvrir les plats pour limiter l’exposition à l’air, et ajouter le concentré de tomate ou l’extrait de lycopène en fin de cuisson permet de retrouver une teinte plus vive.
Enjeux de sécurité et réglementation
Autorisations et limites
Le lycopène est autorisé en Europe et aux États-Unis sans restriction de quantités maximales dans la plupart des catégories alimentaires. En revanche, certaines législations exigent une mention précise « colorant naturel E160d ». Les industriels doivent se conformer aux bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour garantir l’absence d’impuretés résiduelles de solvants.
Étiquetage
L’étiquette doit indiquer « colorant : lycopène (E160d) ». Pour valoriser l’aspect naturel, de nombreuses marques préfèrent mentionner « extrait de tomate » en complément. Cette transparence rassure le consommateur soucieux d’étiquetage propre.
Tableau récapitulatif des pertes de couleur selon la température
Température | Durée | Perte de chromaticité |
---|---|---|
90 °C | 30 min | 5 % |
120 °C | 30 min | 10 % |
150 °C | 30 min | 25 % |
180 °C | 20 min | 25 % |
FAQ
Qu’est-ce qui rend le lycopène plus stable que d’autres caroténoïdes ?
Sa structure linéaire riche en doubles liaisons conjuguées offre une meilleure capacité à dissiper l’énergie thermique sans fragmenter son squelette moléculaire aussi rapidement que le bêta-carotène.
Peut-on réactiver la couleur après une longue cuisson ?
Non, une fois isomérisé et oxydé, le lycopène ne retrouve pas sa configuration originelle. Mieux vaut ajuster la formulation en amont ou ajouter un complément en fin de cuisson.
Le pH de la recette influe-t-il vraiment sur la stabilité ?
Oui, un pH proche de la neutralité (6–7) limite la dissociation d’ions H⁺ et réduit l’oxydation, tandis qu’un milieu très acide augmente la sensibilité à la chaleur.